Leadership des femmes dans l’ESS : mythe ou réalité ?
Dans le cadre du mois de l’ESS, la coopérative UpCoop a organisé une table ronde sur le thème « Leadership des femmes dans l’ESS : mythe ou réalité ? ». L’occasion d’adresser un sujet prioritaire du nouveau mandat 2023-2027 du Président réélu de la coopérative UpCoop et de partager des témoignages éclairants et inspirants qui visent à faire bouger les lignes au sein des structures de l’ESS.
Le mois de l'Economie Sociale et Solidaire, événement année soutenu par la coopérative UpCoop, est le moment privilégié de l’année au cours duquel les valeurs portées par l’ESS (ou Economie Sociale et Solidaire) sont valorisées. Parmi elles, la durabilité, la primauté de l'intérêt général et l’égalité. Or, force est de constater qu’en matière d’égalité Femmes / Hommes, la situation n'est pas encore optimale dans l'ESS, qui possède pourtant les leviers pour impulser un vrai changement.
Des constats et perspectives partagés par les trois intervenantes à la table ronde « Leadership des femmes dans l’ESS : mythe ou réalité ? » :
- Fatima Bellaredj, Déléguée Générale de la Confédération Générale des Scop,
- Frédérique Pfrunder, Déléguée Générale chez Le Mouvement associatif,
- Catherine Touvrey, Directrice Générale de Harmonie Mutuelle et Directrice des assurances et de la protection financière du Groupe VYV.
« Bien que l’ESS se revendique des valeurs et principes républicains, les inégalités en son sein perdurent. Ceci est particulièrement vrai quant à la mixité dans les métiers de l’ESS », décrit un rapport gouvernemental sur les inégalités hommes-femmes effectué tous les trois ans.
Point de vue de Fatima BELLAREDJ en 3 questions
Non-mixité et plafond de verre
Si l'ESS compte 68 % de salariées, on retrouve dans ses entreprises les mêmes problématiques de non-mixité, de ségrégation ou de plafond de verre que dans les autres secteurs. Ainsi, les femmes y sont surreprésentées dans certains métiers comme l'aide à domicile (96% de femmes), selon ce rapport.
En outre, 41% de ces salariées sont à temps partiel, choisi ou subi. Et l'ESS compte deux fois moins de femmes que d'homme aux postes d'encadrement. Enfin, les femmes gagnent en moyenne 16,8% de moins que les hommes en équivalent temps plein (contre 18% dans les autres secteurs économiques).
Au sein de l'ESS, certaines entreprises se distinguent cependant favorablement sur ces inégalités : les coopératives. Une étude de l’Observatoire national d’ESS France s'est penchée entre 2016 et 2020 sur l'égalité professionnelle dans l'emploi et dans la gouvernance des coopératives. Les résultats montrent que, si la place des femmes dans les coopératives est plus favorable sur certains points que dans le reste de l'économie privée, l’ensemble des structures de l’ESS (coopératives, mutuelles et associations) n'échappent pas aux inégalités horizontales et verticales dans la répartition des fonctions occupées par hommes et femmes.
Point de vue de Catherine TOUVREY en 4 questions
Peu de parité dans la gouvernance des structures de l’ESS
L'un des points problématiques reste celui de la gouvernance, encore très masculine. Selon coopFR, organisation représentative des entreprises coopératives françaises, « La parité a du mal à s’appliquer dans les coopératives d’entreprises et les secteurs beaucoup moins « féminisés ». Dans les Sociétés coopératives et participatives (Scop) qui ont la particularité d’associer les salariés, et les Scic qui associent toutes les parties prenantes, on compte seulement 28% de dirigeantes.
Un constat identique peut être dressé du côté des associations. Si le monde associatif est plutôt un espace d’émancipation pour les femmes, et si de nombreuses associations sont en pointe et portent le sujet égalité femme- homme depuis de nombreuses années (avec majoritairement des femmes présidentes dans certains secteurs tels que l’action humanitaire, le social, la santé), la parité n’est pas encore atteinte sur l’ensemble des gouvernances associatives. Des champs d’activité restent plus « genrés » que d’autres pour l’exercice des responsabilités (par exemple le sport). Et plus les associations sont de grosse taille, plus les enjeux de pouvoir sont importants et la place de la femme moindre.
Point de vue de Frédérique PFRUNDER en 3 questions
Les bons leviers pour tendre vers l’égalité professionnelle
Les causes de ces inégalités sont multiples, comme l’ont souligné les intervenantes et le cheminement vers l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’ESS passe par la prise en compte de sujets structurants et l’activation de plusieurs leviers : favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, assurer un recrutement égalitaire, promouvoir la culture de l'égalité dans la gestion des ressources humaines, la gouvernance et l’organisation dans son ensemble, et garantir l'égalité salariale.
Parmi les enjeux majeurs en matière d’égalité Femmes / Hommes, notons la lutte contre les stéréotypes et préjugés et la nécessaire évolution des mentalités des hommes ET des femmes :
- Créer une culture du respect et de l’inclusion,
- Interroger la perception du pouvoir et les conditions d’exercice du pouvoir,
- Encourager les femmes à dépasser les barrières qui les inhibent et à oser se lancer.
Ouvrir le dialogue est la 1ère étape fondamentale dans ce cheminement.
“Nous avons un socle solide, en tant que coopérative et entreprise à mission. C’est ce qui a permis notre développement et donne du sens à notre projet d’entreprise. Face aux enjeux de demain, nous avons besoin de toutes les forces vives, y compris les femmes. Si le conseil d’administration est à parité, les femmes sont aujourd’hui sous représentées dans les postes à responsabilité et au sein du Comité Exécutif (COMEX). Il est important à présent d’enclencher une dynamique, qui va inscrire dans le temps notre volonté de rééquilibrer la répartition Femmes / Hommes à tous les niveaux de l’organisation. Cela signifie qu’il faut interroger les questions de salaires, de responsabilités, en ouvrant la discussion, comme nous l’avons toujours fait et sans discrimination de genre. Pour rendre naturel ce qui devrait l’être ! C’est un beau projet à mener ensemble.” Youssef ACHOUR - Président de la coopérative UpCoop et du groupe Up