Les Grands Voisins : une utopie concrète en plein cœur de Paris
Dans quelques années, l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dans le 14ème arrondissement de la capitale, sera transformé en éco-quartier. Mais, en attendant, il est le théâtre d’une expérimentation inédite et qui pourrait bien faire date.
« Ce qui est formidable avec les Grands Voisins, c’est cette sensation de retrouver l’esprit d’un village chaque fois qu’on en franchit le porche ».
Jean-François Recco est l’un des coordinateurs de l’association Biocycle, qui lutte contre le gaspillage alimentaire en redistribuant la nourriture invendue aux associations caritatives. Depuis quelques mois, l’équipe a pris ses quartiers dans un lieu d’un nouveau genre : les Grands Voisins. L’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, près de la place Denfert-Rochereau, s’étend sur 3,4 hectares et comprend 60 000 m2 de bâtiments. Autant d’espace inoccupé est une chose rare dans une ville comme Paris. En attendant sa reconversion, le bâtiment, à l’initiative des associations Aurore, Yes We Camp et Plateau Urbain, est devenu un espace hybride d’un genre nouveau, à mi-chemin entre coworking à ciel ouvert et centre d’hébergement pour personnes en réinsertion.
LA MIXITÉ COMME MOTEUR DE LA CRÉATIVITÉ
Contrairement à la plupart des lieux dédiés à la création et à l’innovation, les Grands Voisins ont choisi de jouer la carte de la diversité et de l’ouverture plutôt que celle de la spécialisation. Les lieux ont été pensés comme une vaste agora. Chaque jour, ce sont ainsi plus de 1 000 personnes qui se croisent sur le site. Certains y sont hébergés - c’est le cas de 600 personnes en réinsertion - quand d’autres s’y rendent pour travailler. 150 associations, entreprises, artistes et artisans ont élu domicile dans cette bourgade plantée en plein cœur de Paris. Sans oublier, bien sûr, les nombreux visiteurs de passage qui viennent chiner dans la ressourcerie, s’essayer à l’agriculture urbaine, prendre une banya (un bain de vapeur russe) ou tout simplement, flâner dans l’ancienne lingerie reconvertie en café. Pour Eric Pliez, Directeur Général d’Aurore, l’expérience est en tout cas concluante : « La mission d’Aurore, c’est la réinsertion et l’hébergement d’urgence. Avec les Grands Voisins, nous ne voulions surtout pas créer un ghetto. Au contraire, nous voulions un lieu de vie, où personnes en difficulté et porteurs de projet puissent se rencontrer, un lieu ouvert sur le quartier et l’extérieur. Nous savions que nous ne pouvions pas y arriver seuls ». Pari réussi : les habitants du quartier ne tarissent pas d’éloges, et les personnes en difficulté ont pour certaines retrouvé un emploi grâce aux entreprises et associations résidentes.
UN RÊVE ÉPHÉMÈRE
Projet unique, les Grands Voisins ne durera cependant qu’un temps. Mais pour Eric Pliez, « le projet tire aussi son énergie de sa dimension éphémère ». Un sentiment que partage Jean-François Recco : « ce projet, c’est un peu un rêve éveillé ». Justement, que se passera-t-il après la reconversion du lieu ? « Nous réfléchissons déjà, avec d’autres associations des Grands Voisins, à réinvestir un espace dans un même état d’esprit ». Eric Pliez, de son côté, n’est pas inquiet : « Je pense que les Grands Voisins ont créé un précédent. Plusieurs collectivités et entreprises nous ont d’ores et déjà fait part de leur intérêt pour accueillir des initiatives de ce genre dans le futur ».
Crédit photo : Éric Pliez association aurore, biocycle, les Grands Voisins