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Identité coopérative : Scop TI, une coopérative née dans la lutte

Au moment de célébrer ses 60 ans, UpCoop, société coopérative et participative qui fait partie d’une communauté de 4 500 Scop, célèbre aussi son identité coopérative. Nous en avons sélectionné quatre, que nous sommes heureux de mettre en lumière : Scop TI, Enercoop, UTB, Alma. Quatre portraits, quatre facettes d’entreprises singulières qui illustrent un modèle de gouvernance différent de l’économie traditionnelle. Elles décrivent leur savoir-faire et témoignent que l’on peut réussir autrement, collectivement, en coopérant.

Scop TI, c'est d'abord le récit d'une mobilisation de salariés qui ont défendu leur emploi et leur outil de travail menacé de délocalisation. En créant Scop TI, ils ont retrouvé plus qu'un emploi. Ils développent leur activité économique, non pour des actionnaires, mais pour eux-même et les générations futures.

"Notre organigramme c'est un cercle." Olivier Lerberquier, président de Scop TI, résume en cinq mots l'esprit de cette coopérative née dans la douleur en 2014. Ce cercle, c'est celui formé par l'assemblée des 58 coopérateurs de Scop TI. 58 personnes, toutes issues d'un de ces mouvements sociaux où la valeur travail est sortie vainqueur.

Revenons en arrière. 2010 à Gemenos (Bouche-du-Rhône), l'usine Fralib (182 salariés) produit les thés Elephants et Lipton. Le géant de l'agro-alimentaire Unilever, qui possède l'usine, décide de délocaliser l'activité en Belgique et en Pologne. Face à l'injustice de voir disparaître un site productif et l'ensemble de ses emplois, la mobilisation des salariés s'organise rapidement. Appel au boycott des produits Lipton, occupation de l'usine... En parallèle, une bataille juridique s'engage. Objectif : obtenir réparation d'Unilever pour les salariés délaissés et créer, avec les salariés qui le souhaitent, une Scop pour reprendre l'activité.

1336

La Scop est créée en 2014, mais l'activité va pouvoir démarrer réellement en 2015, après l'accord signé avec Unilever et trois plans de sauvegarde de l'emploi retoqués par la Justice. Commence alors à sortir des boîtes de thé et d'infusion flanqué d'une marque symbolique : 1336, comme les 1336 jours de lutte entre 2010 et 2014.

Faire décoller l'activité est compliqué. Il faudra attendre 2020 pour connaître le premier exercice bénéficiaire : "C'était une année particulière. Le confinement et les aides d'Etat, l'activité partielle ", relativise Olivier Lerberquier. "En 2024, pour nos dix ans, nous devrions atteindre une situation financière saine et sans artifice !", se réjouit-il.  "On a un modèle atypique. Nous sommes de très mauvais capitalistes", sourit le président de Scop TI.

Solidarité en premier

Sur les 76 salariés qui se sont mobilisés pendant plus de trois ans et demi, 58 sont devenus coopérateurs dont 46 souhaitaient être salariés, ils l’ont tous été. "On aurait dû dire : toi oui, toi non, toi peut-être". Mais ce n'était pas imaginable, question de justice. Depuis, certains salariés ont pu quitter l'entreprise ou faire valoir leurs droits à la retraite. Ils sont 35 aujourd'hui et la question de remplacer les départs se pose. Mais pour le moment, ils se démènent pour faire augmenter le résultat.

Dans un même esprit de solidarité, l'assemblée des coopérateurs a fixé une échelle de salaires très resserrée. Trois niveaux de salaires entre 1600 et 2000 selon la catégorie professionnelle. Ce choix a été possible, aussi parce que l'indemnité négociée au quatrième plan social permettait de compenser le moindre salaire pour certains : "j'étais technicien de maintenance et j'étais payé 500 euros de plus au temps de Fralib. Mais mon indemnité me permet de compenser cette baisse sur 15 ans", illustre le président de la Scop.

Démocratie oui, rémunération du capital non

Pour prendre les décisions, un Conseil d'administration de 9 coopérateurs est élu. Mais au quotidien, c'est un comité de pilotage élargit qui émet des propositions. Il réunit le président, le directeur général et le responsable Achats, planning et logistique et "toute personne qui a un intérêt à participer au débat (…) C'est très rare qu'on ne soit que trois". Quand le comité émet une proposition, elle a 24 heures pour circuler et être débattue. En fonction des retours ou enrichissement, la proposition devient décision.

"Mais s'il faut réunir l'ensemble des coopérateurs on le fait et si la décision est désavouée par la majorité, alors on l'annule (…) Une telle organisation peut pénaliser notre fonctionnement, mais c'est le choix que nous avons fait. Et peut-être qu'il faudra trouver un juste milieu tout en garantissant la consultation des coopérateurs", anticipe Olivier Leberquier .

Dernière marque de fabrique des ex-Fralib : le capital. Chaque coopérateur a prélevé de son indemnité de licenciement de 3000 à 11000 euros pour prendre des parts sociales dans le capital de la Scop. Un capital non rémunéré. Le président de Scop TI est définitif sur ce point "C'est notre histoire. Nous savons ce que nous a coûté la rémunération des actionnaires chez Fralib. Nous ne voulions surtout pas devenir ceux que nous avions combattus pendant des années."

Scop Ti en bref :

  • Une mobilisation syndicale de 1336 jours pour défendre un outil de travail
  • 58 coopérateurs qui retrouvent leur emploi et reprennent l'activité en 2014
  • Trois niveau de salaires en fonction de la catégorie professionnelle entre 1600 et 2000 euros.
  • Deux marques de thé et d'infusion : 1336 et Scop TI
  • Scop TI ça signifie : Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions.
  • 4,5 millions de chiffres d'affaires projeté en 2024.

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