Ni précaires, ni golden boys, la Freelance Fair célèbre les nouveaux indépendants

Le 16 mars dernier, la Bellevilloise ouvrait ses portes à 500 travailleurs indépendants et curieux d'échanger à l’occasion de la Freelance Fair.

Derrière cet événement inédit, l’équipe de Mutinerie, espace de coworking parisien qui vient de souffler ses cinq bougies. Etat des lieux sur la situation des travailleurs indépendants, avec son co-fondateur Antoine Van den broek.

Mutinerie fête ses cinq ans. Pouvez-vous nous dresser le portrait-robot du travailleur indépendant qu’on peut y croiser ?

Contrairement aux idées reçues - qui nous parlent souvent du (ou de la) jeune diplômé(e) hyper connecté(e) - ce sont plutôt des gens qui ont déjà entre 5 et 10 ans d’expérience en entreprise, qui sont passés par les grands groupes, les agences de communication ou encore les cabinets de conseil… A un moment de leur carrière, pour des raisons diverses, ils se retrouvent freelance. L’année dernière, nous avons réalisé un petit sondage parmi nos coworkers : quand on leur demande ce qui les a conduits à opter pour le statut d’indépendant, la moitié répondent « par choix », l’autre par « un mélange de choix et de nécessité », mais presque personne n’évoque la seule nécessité.

Ce sont aussi des gens qui ont un vrai goût de la liberté, courageux et fiers. Parce qu’il faut quand même le rappeler : être freelance, ce n’est pas facile tous les jours ! Dernier point, et pas des moindres : ils font généralement un métier qu’ils aiment.

Quand il est question de travail indépendant, le discours ambiant est pourtant assez anxiogène, non ? C’est un tout autre tableau que vous nous dressez…

Attention, ces freelances que je vous décris ne représentent qu’une partie des travailleurs indépendants. Bien sûr, il existe toujours beaucoup d’indépendants « classiques » (professions libérales, artisans, ...). Mais les nouveaux bataillons d’indépendants sont à chercher du côté des freelances qualifiés, donc, mais également, du côté de ces nouveaux journaliers que sont les travailleurs des plateformes.

Ce qui fait la différence ? Possédez-vous des compétences rares, ou non ? Pouvez-vous choisir vos clients ? Détenez-vous votre outil de travail ? L’émancipation du travailleur en dépend largement. Plus qu’une histoire de revenus - il y a probablement des chauffeurs VTC qui gagnent plus que des designers ou des journalistes indépendants - c’est une affaire de liberté. Certains ont le luxe de pouvoir s’approprier leur travail, d’autres se vivent comme des instruments interchangeables. Bref, certains choisissent le statut d’indépendant, d’autres le subissent.

Pour moi, le mouvement qui porte les freelances est inéluctable. Déjà, parce que le besoin de flexibilité ne se dément pas du côté des entreprises. Ensuite, parce qu’il correspond à de profondes aspirations : retrouver du sens à son travail, ou encore une harmonie entre vies personnelle et professionnelle, par exemple. L’argent n’est plus la seule mesure de la réussite. Enfin, tout simplement parce que les évolutions technologiques le rendent possible : on peut aujourd’hui travailler de n’importe où, avec des gens qui ne font pas forcément partie de la même boîte. Le problème, c’est que le monde des freelances est composite. Ils n’ont pas la culture de l’action collective. Il leur manque encore une conscience de classe !

On commence pourtant à voir apparaître des collectifs, non ?

Bien sûr, et les espaces de coworking ont joué un rôle important. Regrouper des travailleurs indépendants dans un même lieu, c’est déjà beaucoup ! Il existe également des collectifs par métiers, entre architectes, développeurs informatiques… La mutualisation se fait au sein de petits groupes. En revanche, quand il s’agit de passer à une autre échelle, pour par exemple peser dans le dialogue social, il n’y a plus grand-monde. Les syndicats commencent à se pencher sur la question. C’est un signal encourageant.

C’est ce qui vous a poussé à lancer la Freelance Fair ?

En partie, oui. Il est important de forger cette identité collective, de mobiliser la presse et de faire entendre notre voix. Qu’on en finisse avec les clichés : nous ne sommes ni des précaires aux abois, ni les golden boys de la nouvelle économie ! Mais c’était aussi et surtout un événement au contenu très pratique : quel statut choisir ? Comment adhérer à une Coopérative d’Activité et d’Emploi ? C’est important, car dans la vie de freelance, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans les méandres des contraintes administratives ! Comparée à d’autres pays, la France ne s’en sort pas si mal, mais il y a encore beaucoup d’incertitudes quant à la protection sociale ainsi qu’à la formation professionnelle, pourtant essentielle pour cette catégorie de travailleurs.

En savoir plus

 

Crédit photo : photo Antoine Van Den Broek, photo événement Freelance Fair