Emploi et handicap : l’extraordinaire exemple du restaurant Le Reflet

À Nantes, un restaurant a fait le pari d’employer, en salle et en cuisine, des personnes porteuses de trisomie 21. Il ne désemplit pas et l’initiative fait des petits.

De l’extérieur, rien ne distingue Le Reflet des commerces voisins de cette rue piétonne du centre de Nantes. Passez la porte de ce restaurant sobre et cosy, et vous comprendrez en quoi il est « extraordinaire ». Ici, la majorité de l’équipe est porteuse de trisomie 21 : tous salariés et en CDI. « L’objectif du projet était double, explique Flore Lelièvre, créatrice du Reflet : créer la rencontre entre les personnes porteuses de ce handicap et le milieu « ordinaire », et prouver qu’il était possible de faire travailler des jeunes avec trisomie 21 en CDI, comme les autres. » 
La jeune femme de 29 ans, dont un frère est porteur du Syndrome de Down, a connu dans le passé « les regards et remarques désobligeants ». L’idée du Reflet a germé alors qu’elle préparait son projet de fin d’études en architecture d’intérieur : « Je voulais prouver que c’est possible pour eux de travailler en milieu ordinaire, hors d’une structure spécialisée. J’ai dû beaucoup me documenter, trouver des exemples à l’étranger… »

Assiettes et prise de commande adaptées

L’étudiante présente un projet entièrement adapté, avec des assiettes ergonomiques - financées par la Fondation Up - un système de prise de commande avec des cases à tamponner par les clients pour que les serveurs aient moins à mémoriser… Carton plein pour Flore devant le jury d’examen, mais aussi pour le projet de restaurant, qui réunit vite une quinzaine de personnes. « On m’a dit :  Tu veux montrer qu’ils peuvent travailler, alors pourquoi ne pas créer carrément une entreprise ? » se souvient Flore Lelièvre. Une SAS (Société par Actions Simplifiées) voit le jour, en plus de l’association Trinôme 44. La success story extraordinaire est née. 

Un an plus tard, la première levée de fonds est un succès, le local est trouvé. Reste à constituer l’équipe de ce restaurant. « Nos critères étaient la motivation et l’envie de travailler dans la restauration », précise Flore Lelièvre. Les créateurs du projet recrutent les encadrants, avec l’aide d’un service Ressources Humaines rattaché à la chambre de métiers, et sept salariés porteurs de trisomie 21, par le bouche à oreille et les réseaux. Après une formation à la cuisine et au service, le personnel du Reflet peut accueillir ses premiers clients. 


« Les gens viennent pour bien manger »

Dès l’ouverture, fin 2016, la réussite est là et ne se dément pas depuis. « Cuisine succulente », « ambiance chaleureuse » : sur les sites de notation, les commentaires mentionnent à peine la particularité des serveurs et cuisiniers. « C’était la clé du succès, se réjouit Flore Lelièvre. Les gens viennent bien manger, pas pour faire une bonne action. »

Un deuxième Reflet a ouvert, à Paris, en octobre 2019, et l’initiative fait des émules. L’équipe du Reflet reçoit au moins une sollicitation par semaine de la part de personnes qui souhaitent lancer le même type de projet. Flore réfléchit maintenant à proposer aux entreprises un dispositif d’accompagnement vers l’emploi des personnes avec handicap. « Le Reflet restera une vitrine pour montrer aux entreprises que non seulement c’est possible et pas si difficile de s’adapter, mais qu’en plus ça marche économiquement ! »

Quant aux salariés, cette expérience a changé leur vie. « Une porte s’est ouverte pour eux, raconte Flore Lelièvre, ce travail les valorise au quotidien, c’est très motivant. » Et leur ouvre de nouvelles perspectives, et des envies comme avoir son propre appartement et plus d’autonomie, tout simplement.

À l’étranger 

Le projet du Reflet est très inspiré de La Locandiera dei Girasoli : une pizzeria coopérative qui depuis près de vingt ans, à Rome, emploie en salle des personnes avec trisomie 21. Depuis, les initiatives de cet ordre se multiplient à travers le monde – Le Reflet en a compilé dans le livre Restaurants extraordinaires - comme le coffee shop Hugs n’ Mugs aux États-Unis ou le traiteur Los Perejiles en Argentine.