La Ferme des Possibles : un cocktail de circuits courts et d'agriculture urbaine

Militant associatif et maire de L’Ile-Saint-Denis depuis bientôt un an, Mohamed Gnabaly est également co-fondateur de Novaedia. Depuis 2011, cette coopérative s’efforce de concilier développement économique local, développement durable et insertion professionnelle sur le territoire de Seine-Saint-Denis (93).

Leur dernier projet ? Une ferme urbaine d’1,2 hectare à Stains, baptisée la « Ferme des Possibles ».

Quelle a été la genèse du projet de « Ferme des Possibles » ?

Cela remonte à loin ! J’ai grandi sur L’Ile-Saint-Denis, et plus tard, je suis parti en classe préparatoire à Paris, puis en école de commerce. J’ai ensuite travaillé quelques années comme analyste financier. Nous étions alors plusieurs jeunes âgés d’environ 25 ans à partager un même sentiment : à chaque fois que nous revenions chez nous, c’était un bonheur, mais nous constations aussi un décalage croissant avec nos camarades qui étaient restés. Nous trouvions ça violent, et nous ne voulions surtout pas que la génération suivante vive la même chose. Nous avons donc créé une première association, Capital Banlieue, qui faisait notamment du soutien scolaire, accompagnait les jeunes qui voulaient faire une année de césure à l’étranger… Mais rapidement, nous avons buté sur la question du financement : il y avait de moins en moins d’argent pour les associations.

Nous avons donc cherché à monter un projet qui ne soit pas dépendant des subventions. Notre objectif numéro un était de générer de l’activité économique et de créer de l’emploi sur le territoire de Seine-Saint-Denis, pour des publics divers (travailleurs handicapés, jeunes sans qualification de moins de 25 ans, jeunes diplômés en début de carrière…). Après avoir réalisé une étude de marché, nous avons trouvé deux secteurs d’activités porteurs : la logistique et les métiers de la restauration. C’est ainsi qu’est né Novaedia, un traiteur solidaire à statut coopératif. Nous livrons des paniers de fruits en entreprise, des petits déjeuners bio, des cocktails buffet…

Et la Ferme des Possibles dans tout ça ?

J’y viens, vous allez voir ! Quand nous avons commencé notre activité il y a un peu plus de cinq ans, il y avait déjà quelques AMAP sur le territoire, mais ces dernières avaient des difficultés pour passer à l’échelle supérieure, notamment du fait des contraintes logistiques. De notre côté, nous avions la main d’œuvre. Mais rapidement, nous avons été dépassés par notre succès ! La demande a explosé, à tel point que les petits agriculteurs de la région avec lesquels nous travaillions, à force de devoir élargir leurs zones de chalandise, avaient de plus en plus de mal à nous suivre. Nous livrons des corbeilles de fruits aux sièges sociaux de beaucoup de grands groupes, sur des sites qui comptent parfois des milliers de personnes… Il est devenu clair qu’il nous faudrait travailler avec des producteurs des régions attenantes, mais aussi, qu’il nous faudrait une plateforme logistique si nous voulions vraiment changer d’échelle. La Ferme des Possibles, c’est avant tout cela, un lieu de production, mais aussi de stockage, et de transformation. Bref : notre outil de travail !

Où en est aujourd’hui le projet ?

Nous y avons planté 800 arbres. Nous avons des ruches, des potagers, des vergers… Le projet est encore en production, mais à plein régime, d’ici un peu moins de deux ans, il devrait permettre d’alimenter la moitié de nos corbeilles de fruits. C’est aussi une formidable vitrine, où nous sensibilisons le jeune public aux enjeux liés à l’agro-écologie (permaculture, agroforesterie, ...) et à l’économie sociale et solidaire. Pour l’instant, il s’agit de groupes scolaires, mais nous comptons ouvrir les portes au grand public très prochainement.

La Ferme des Possibles est aussi et surtout un espace de coopération entre ESAT, acteurs du médico-social en général, monde associatif et pouvoirs publics locaux. C’est essentiel, car avec la baisse des dotations, l’ESS doit apprendre à collaborer plus efficacement ! Si tout se passe bien, ce projet d’agriculture urbaine atypique devrait nous permettre de passer à la vitesse supérieure sur le territoire de Plaine Commune. J’aimerais aussi qu’il soit un lieu de transfert de compétences afin que d’autres lancent des initiatives similaires ailleurs.

Quels sont les retombées d’une telle démarche pour le territoire ?

Du côté des acteurs institutionnels, cela permet déjà de prendre conscience de l’importance des questions liées à l’alimentation. Aujourd’hui, Plaine Commune a compris que l’alimentaire était un secteur potentiellement stratégique pour le rayonnement du territoire. Par ailleurs, d’autres acteurs de l’ESS sont en train de s’installer autour de Stains. Peut-être aurons-nous demain là-bas une « Silicon Valley » de l’ESS !

De l’autre côté, l’impact concerne avant tout l’emploi des jeunes, évidemment, mais aussi le changement des habitudes alimentaires. De plus en plus de gamins convertissent leur famille au bio ! Enfin, le succès de Novaedia finance nos activités de terrain et d’action sociale. C’était sa raison d’être, et nous ne l’oublions pas !

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